Text:August Lustig/A. Lustig Sämtliche Werke: Band 1/Pensées.
Juillet 1884.
Plus de sept ans déjà que chaque jour me voit
Devant cette fenêtre, assis au même endroit,
En train de retoucher, d'embellir les humains
Qui viennent confier leurs têtes à nos mains.
Je n'ai pour horizon qu'une vieille toiture,
Un peu de ciel hélas, est pour moi la nature !
Enfermé dans ce coin, courbé sur mon ouvrage,
Comme j'envie souvent l'oiseau, le beau nuage.
Mais la loi de la vie c'est l'éternel labeur,
Heureux s'il nous procure un modeste bonheur.
C'est ainsi que les jours se suivent lentement.
Chose étrange, l'année passe comme un instant;
Le matin chaque fois on voudrait qu'il fût soir,
Et l'on vieillit ainsi sans s'en apercevoir.
Jusqu'au moment fatal où l'on quitte la terre
Sans jamais avoir su ce qu'on venait y faire !
Ce qu'il y a d'étrange encor dans cette vie
C'est cet attachement, l'espèce de folie
Qu'éprouve un être humain pour un autre. Comment
Expliquer ou comprendre un pareil sentiment ?
Unissant ici bas les êtres au hasard,
Que de tourments affreux l'on subit tôt au tard
Par lui ! car bien souvent cet être que l'on aime,
Est pour le cœur aimant plus qu'un autre soi même.
Mais la nature, hélas, ne connaît sur la terre
Aucun lien contracté par un pauvre éphémère ;
Sans pitié, sans égard, elle vient trop souvent
Détruire et déchirer le tout aveuglément.
Que ne peut-on mourir ensemble quand on s'aime !
La mort serait pour nous alors un bien suprême.
Si l'amour ici-bas nous cause ces tourments,
Il nous prépare souvent aussi de doux moments.
N'est-on pas plus heureux en ce monde égoïste
Quand on se sait aimé. La vie paraît moins triste
Quand un être chéri nous entoure de soins,
Cherchant à deviner, à prévoir nos besoins.
Partageant avec nous nos joies, notre bonheur,
Et nous consolera quand viendra le malheur.
Et le bonheur si doux quand on peut, en rentrant
De son labeur, le soir, embrasser son enfant !
Quel plaisir d'assister à ses ébats ; ses jeux,
D'écouter ce langage enfantin si joyeux.
Après un long travail c'est une récompense,
Qu'on attend chaque jour avec impatience.